Pour l’Aide Aux Orphelins du Népal

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Mithu

Octobre 2013

Juin 2020 : Mithu s’est mariée, elle vit avec son mari et sa famille à Kohalpur, c’est une petite ville pas très loin de là où elle habitait avec son oncle et sa tante. Elle a eu un petit garçon nommé Nimparsad qui est hélas décédé à l’âge de 5 mois.

A côté de cela, Mithu travaille dans les cuisines d’un hôtel.

Avril 2017 : Mithu a quitté l’orphelinat pour repartir vivre avec son oncle et sa tante à l’ouest du Népal dans la zone du Teraï. Elle aide aux travaux de la petite ferme et a mis fin à ses études.

2012 : Agée de 16 ans comme Rubina, Mithu est l’une des aînées de la fratrie. Elle est originaire d’un village dans l’Ouest du Népal, à 2 jours de bus de Kathmandu. C’est son cousin (un combattant maoiste) qui l’a amené ici, à la suite du décès de ses parents dans un « accident » (probablement lié à la révolution maoiste) et l’incapacité de son oncle ayant déjà 11 enfants à élever en plus ses 3 neveux et nièces. Il a donc fait placer Mithu et ses frères dans des orphelinats comme le nôtre, mais ils ont été séparés faute de place suffisante dans chacun des orphelinats. Mithu revoit encore de temps en temps ses frères et son cousin qui vient lui rendre visite, mais d’après ce que j’ai compris, ses deux frères ont été sponsorisées par des écoles aux Etats-Unis et vont bientôt partir pour y faire leurs études. Ont-ils eu plus de chance en étant placé dans un autre orphelinat ? Comment s’est fait la sélection dans cet orphelinat et surtout combien d’enfants peuvent bénéficier de ce genre de parrainage ? La question reste en suspens, je n’ai jamais pu savoir le pourquoi du comment. Tout ce que j’espère, c’est que ses deux frères ne l’oublieront pas une fois leurs études finies et qu’ils l’aideront plus tard si elle en a besoin.

En ce qui la concerne, elle se sent bien ici, elle dit avoir été bien accueillie et ne veut pas retourner dans son village. Elle trouve que l’école est d’un meilleur niveau et qu’elle y apprend beaucoup plus de choses que les années passées. Elle a fait des progrès fulgurants en anglais, même si elle reste celle qui a le niveau le plus faible de tous les enfants ici. Elle n’est qu’en Class 6, comme les petits de l’orphelinat (elle a 3 ans de retard sur le cursus normal), inutile de la chercher dans sa classe, c’est celle qui dépasse de plus d’une tête tous les autres. Ca la saoule un peu d’être la plus âgée de sa classe, elle aimerait bien sauter une classe, mais son niveau est trop faible alors elle travaille deux fois plus que les autres… sauf qu’elle est très lente, elle acquiert seulement maintenant des habitudes que les petits ont déjà intégrées depuis plusieurs années. Tout ça se met en place petit à petit, mais je peux vous témoigner qu’en lecture par exemple, elle a fait beaucoup de progrès en l’espace de quelques mois. Avant elle devait épeler tous les mots, maintenant elle lit presque normalement (sauf les nouveaux mots). Les maths sont sa matière préférée, au moins en maths, y’a pas besoin de savoir lire^^ et les calculs elle aime bien :) Par contre dès qu’il s’agit de rédiger une réponse, c’est plus compliqué. L’anglais forcément, elle trouve ça super difficile, mais pour autant elle travaille quand même beaucoup cette matière parce qu’elle sait qu’elle en a besoin. Dès qu’on a un peu de temps toutes les deux, on lit un paragraphe ou deux ou bien je l’entraîne à faire des phrases à l’oral. Le problème c’est que Mithu est une fille et qu’elle doit un jour sur 3 être en cuisine, et ça l’empêche de travailler pour l’école. Autant Rubina et Yeshoda arrivent bien à gérer leurs devoirs, autant elle, ça la retarde pas mal. Alors j’essaie de l’aider encore plus ces jours-là pour qu’elle puisse réviser un peu. Je crois que c’est pour ça aussi qu’elle n’aime pas trop cuisiner, ça l’empêche d’apprendre. Pour autant, c’est avec elle que je me sens le mieux en cuisine, on est toutes les deux aussi peu à l’aise et on s’aide mutuellement, elle me demande des conseils et moi aussi^^ Je lui ai appris à faire un « puits » dans la farine par exemple pour préparer les crêpes du matin, elle m’a montré comment faire la sauce épicée. Elle est toujours très calme et posée, et quand elle fait une bêtise (ou que moi j’en fait une^^), son rire et son sourire sont des rayons de soleil dans la cuisine.

Depuis qu’elle est arrivée ici, elle a eu comme une épiphanie, elle a goûté aux joies de l’apprentissage et maintenant elle veut tout comprendre, tout apprendre, tout essayer. Vous me direz que j’exagère un peu ? Non, pas du tout, au bout d’une semaine ici, elle a dit à Laxmi en pleurant toutes les larmes de son corps : « Avant d’arriver ici, je n’étais qu’un singe, je séchais l’école pour jouer dans la forêt avec mes amis, mais ici, j’apprends tellement de choses ! Qu’est-ce que j’étais ignorante avant ! ».

Elle fait preuve d’une maturité impressionnante, elle considère comme une grande chance le fait d’avoir été accueillie ici, de pouvoir bénéficier d’une bonne éducation et d’une scolarité d’un bon niveau. Elle ne veut pas retourner dans son village avant d’avoir fini ses études, pour montrer à tous ses amis d’enfance et à sa famille qu’elle est devenue quelqu’un d’instruit et qu’elle a profité pleinement du fait d’avoir été envoyée à Kathmandu. Elle veut devenir médecin pour pouvoir soigner les gens de son village. Ce projet a peu de chances d’aboutir, mais quoi qu’elle devienne plus tard, son avenir grâce à son passage ici sera forcément bien meilleur que celui qui l’attendait dans son village, où elle aurait probablement été mariée de force dans un an ou deux.

Il y a juste une chose qui lui a fait peur en vivant ici : les volontaires. Elle n’avait jamais vu auparavant quelqu’un avec la peau blanche et elle a pris la première volontaire pour une alien. Oui, oui, c’est exactement le mot qu’elle a utilisé, une alien. Elle se cachait à chaque fois qu’elle entendait la volontaire arriver^^ Maintenant quand elle en parle, elle en rigole, mais elle m’a expliqué (enfin Niru m’a traduit) qu’elle avait vraiment peur de ces « êtres » si différents d’elle, de part leur couleur de peau, leur langue et leurs habitudes vestimentaires. Je lui ai demandé si elle avait eu peur de moi quand je suis arrivée, mais elle m’a répondu en souriant que non bien-sûr, même si parfois certaines de mes habitudes l’étonnaient un peu. Ah bon ?! :)

Au final, je crois que c’est à elle que je vais le plus manquer, parfois elle me prend dans ses bras et elle m’appelle « Mummy », et elle n’arrête pas de me parler de mon départ, de me demander quand je vais revenir. Rubina m’a traduit ce matin ce que Mithu était en train de me dire en Népali : « Who will look after us when you leave ? »… Ca m’a déchiré le coeur…