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Novembre 2021 Birendra a trouvé du travail dans le dispensaire d’une ville proche de la frontière indienne.
Août 2020 : Nous avons eu des nouvelles de Birendra par téléphone. Il vit avec son frère, sa belle-soeur et leur enfant, dans les montagnes près de la frontière indienne à l’Ouest du Népal.
Bonne nouvelle, il a obtenu une bourse pour poursuivre ses études, et il suit actuellement des cours pour devenir assistant de laboratoire, pour faire des analyses médicales, ça a l’air de bien lui plaire.
Avec le coronavirus, les cours se font en ligne, qu’il suit sur son téléphone.
Il me dit que sa région n’est pas très touchée par le coronavirus, donc tant mieux. Quant à ses nouvelles lunettes "elles sont sans correction, c juste pour le style !".
Avril 2019 : Birendra a quitté l’orphelinat à la fin de son cursus général obligatoire (classe 10) pour retourner dans sa famille. Nous n’avons malheureusement plus de nouvelles de lui.
2012 : Avec son grand sourire toujours collé aux lèvres, Birendra, 14 ans, est le deuxième garçon de la fratrie. C’est lui qui vient de la région la plus reculée (accrochez-vous bien) : 3 jours de bus plus une heure de marche à pied pour rejoindre son village, à proximité de la frontière indienne à l’Ouest du Népal.
Birendra est arrivé ici il y a 5 ans, son intégration s’est fait très facilement parce que c’est sûrement l’un des plus gentils des enfants du monde. C’est un ami de sa famille qui l’a amené. Depuis… plus de nouvelles, ni de ses parents, ni de ses frères (au nombre de 3) ni de sa sœur (qui est déjà mariée avec des enfants). Pourquoi ? Ses parents sont trop pauvres pour ne serait-ce que téléphoner à leur fils. Je ne suis d’ailleurs pas sûre qu’ils sachent où il se trouve… Dans son dossier, il est écrit que les parents vivaient dans une tente dans la pauvreté la plus totale et n’arrivaient pas à nourrir leurs enfants… Birendra, lui, nous dit qu’il vivait dans une maison… mais il nous explique aussi qu’il ne mangeait pas grand’chose… Je pense que ses souvenirs sont confus ou qu’on n’a pas la même définition du mot « maison », mais ce qui est sûr, c’est que cette rupture avec sa famille l’a profondément marqué, lors de mon « entretien » avec lui (j’ai demandé à tous les enfants de me parler un peu d’eux, en privé, avec Niru comme traductrice quand c’était nécessaire), il a pleuré à chaudes larmes et nous a dit que toute sa famille lui manquait, évidemment… C’est le seul des enfants à voir pleuré à l’évocation de sa famille, les autres étant plus ou moins indifférents, ou en tout cas moins sensibles. Je ne dis pas qu’ils ont raison d’être indifférents, c’est juste un constat qui m’avait étonnée au début, et puis je m’y suis habituée au fil des entretiens. Aussi la réaction de Birendra m’a vraiment surprise et je me suis sentie complètement coupable et stupide à lui poser des questions sur sa vie d’avant alors que manifestement, ça le faisait souffrir énormément. D’un côté, je me dis que pour une fois au moins, il a pu un peu ouvrir les vannes et relâcher la pression qui lui pèse depuis son arrivée ici. Niru m’a dit que c’est la première fois qu’elle le voit pleurer et elle a confirmé mon impression : Birendra (ou « Biru » de son petit nom) est de loin l’enfant le plus souriant de la maison. Je sais maintenant que derrière ce sourire se cache toute la souffrance d’un enfant « arraché » à sa famille, trop pauvre certes mais sa famille quand même… Alors le soir, quand c’est le moment tant attendu (par moi ou par les enfants ?!) du Goodnight kiss, je le serre bien fort dans mes bras, un peu plus longtemps peut-être que tous les autres… Après l’entretien, ma question a été de savoir si on pouvait, par un moyen ou un autre, retrouver sa famille dans son village et au moins le mettre en contact avec eux… Simple et logique me direz-vous ? Ben pas au Népal… on m’a répondu que sa famille étant sans domicile fixe, il y avait peu de chances de les retrouver. Peut-être d’ailleurs que depuis le père ou la mère était décédé vu les conditions d’hygiène dans lesquelles ils vivaient, donc en fait, on ne cherche même pas… Ca m’a vraiment énervée, mais je suis sûre que quand Birendra sera adulte, il retournera dans son village et j’espère qu’il retrouvera alors quelqu’un… En tout cas, avec Niru, on l’a consolé, on l’a fait rire en racontant des bêtises et on lui a dit que d’ici quelques années, il pourra sûrement retourner voir sa famille, même si c’est dans longtemps… Bref, on a essayé de lui donner un peu d’espoir, même si j’aurai bien aimé à ce moment-là avoir un pédopsy avec moi pour me conseiller… Ah oui, mais des pédopsy au Népal, ça n’existe pas hein… déjà les enfants, on les nourrit et on les envoit à l’école, faudrait pas exagérer non plus…
A l’école justement, c’est un des meilleurs de sa classe lui aussi, il est très studieux, a toujours le souci de bien faire, et est irréprochable sur tous ses travaux. Bon, il a un peu de mal en maths, il trouve ça difficile, mais quand on lui explique, il trouve qu’en fait, c’était pas si difficile que ça. Je dirai qu’il manque un tout petit peu de confiance en lui, mais au vu de son histoire, on ne peut pas lui reprocher… Il n’a aucune idée de ce qu’il veut faire plus tard, mais je ne m’inquiète pas trop pour lui, vu son sérieux, il s’en sortira. Il a acquis ici des habitudes de travail et d’hygiène qui vont lui sauver la vie, en fait… Il aime bien jouer au foot, mais pas quand c’est trop sale dehors, parce qu’alors, ça salit son uniforme… et Biru, lui, il aime bien être propre. C’est d’ailleurs le seul des garçons à garder son uniforme propre toute la semaine (vous devriez voir l’état des autres :) ). Il fait sa lessive sans qu’on lui demande, et il a toujours, dans sa partie d’armoire, des habits propres et bien rangés. On comprend pourquoi, quand on sait qu’en arrivant ici il n’avait comme bagages que les guenilles qu’il portait sur lui…
Quand on lui demande quels sont ses hobbies, il répond qu’il aime tout, jouer à tous les jeux, faire toutes les tâches ménagères, et il avoue bien aimer aider Rubina en cuisine (et ça je le comprends ;) ). Je n’ai pas poursuivi très longtemps l’entretien avec lui, parce que j’ai compris en voyant ses yeux s’embuer à nouveau que les souvenirs que j’avais éveillé en lui étaient encore bien présents et que ça lui faisait mal, et j’ai gardé pour moi le secret de ses larmes de crocodile. Les jours qui ont suivi, je me suis contentée de veiller sur lui, un peu plus que sur les autres, et un matin où il est venu m’aider à faire la vaisselle, je lui ai dit, sans lui poser de questions, qu’il n’avait pas à se sentir gêné de ses larmes, qu’elle faisait de lui un garçon tout à fait « normal » et que si il voulait en parler, il pouvait venir me voir. Il ne l’a pas fait bien-sûr… mais à sa façon d’acquiescer quand je lui ai répété que quand il aurait fini ses études, il pourrait retourner dans son village pour essayer de retrouver sa famille, j’ai compris que cet entretien aura eu au moins un point positif : redonner un peu d’espoir à un petit garçon avec un grand sourire et un cœur gros comme ça…